Rencontre avec un antifa

Rémi fait partie des antifas, la mouvance antifasciste présente dans toute la France. Entre manifestations, boycott et occupation, ce jeune homme de 21 ans nous explique comment ces militants, parfois considérés comme extrémistes, essaient de combattre les inégalités sociales. 

Crédit photo: Stephanie Keith

Qu’est-ce qu’un antifa ? 

Je ne pense pas qu’il y ai une seule définition. Selon moi, un antifa est une personne qui se bat contre une forme de fascisme comme les néonazis mais aussi contre les capitalistes poussés à l’extrême. Un antifa peut aussi bien se battre contre la gauche avec ses mesures anti-migratoires comme contre les grands industriels qui détruisent les gens, c’est un spectre très large. Toutes les dérives de la société y passent.

Comment un antifa combat ces inégalités au quotidien et avec quels moyens d’action?    

Il y a différents moyens d’action. Concernant les combats quotidiens, il y a tous ceux contre les discriminations diverses, du racisme, au sexisme sans oublier l’homophobie. Le boycott fait également parti des combats quotidiens comme celui des gros groupes industriels comme Amazon, Facebook ou Starbuck. Être antifa, c’est avant tout un mode de pensée. Il peut également avoir des actions spécifiques comme des manifestations ou des occupations qui sont un peu plus violentes comme défoncer du fascho ou casser des banques. Chacun a son moyen d’expression, je ne juge personne et je ne pense pas qu’il y ai un moyen d’action meilleur qu’un autre. La violence a plus de chance d’être entendu. Selon moi, c’est plus intéressant d’aller casser une banque plutôt que d’aller manifester. À l’origine, le mouvement vient de la rue avec les assassins de Skinheads dans les années 70-80. Il faut qu’on s’impose dans les rues avec par exemple différents collages. La question du territoire et de son occupation est primordial pour les antifas.

Est-ce que la violence ne décrédibilise pas finalement vos actions? 

Tout dépend qui définit ce manque de crédibilité. La manière d’en parler peut déjà beaucoup décrédibiliser l’action. Par exemple, si une banque se fait vandaliser pendant une manifestation, les médias et la société se concentreront uniquement sur cela sans comprendre le pourquoi du comment. Je ne jugerai jamais personne et je n’exprimerai jamais un désaccord avec n’importe quel type d’action qu’elle soit violente ou non, car chacun fait ce qu’il a envie de faire. Chacun son moyen d’action. J’ai eu un moyen d’expression violent, je ne l’ai plus parce que j’en connais les risques. Si un jour j’éprouve l’envie de le refaire sans ces risques, je le referai.

Pouvez-vous concevoir qu’on vous caractérise « d’extrême »?  

Encore une fois, tout dépend qui nous caractérise d’extrême. Car la plupart du temps, ils ne nous connaissent pas et ne savent pas de quoi ils parlent. Je nous considère plus d’ultra gauche plutôt que d’extrême gauche. Il y a une grosse différence entre les deux et la plupart des groupes antifas – comme les AFA – ne sont même pas de gauches. Je ne suis pas non plus de gauche. Je réfute énormément d’idées de gauche. C’est un débat très complexe car chaque antifa a sa propre vision des choses. J’ai déjà rencontré des antifas qui avait le PS – à l’époque – comme principal adversaire. Les antifas relèvent du fantasme pour certains même si c’est bien évidemment plus compliqué que cela. Je comprend  malgré tout qu’on puisse nous caractériser d’extrême.

Peut-on voter Le Pen, Fillon, Macron ou Mélenchon et être antifa? 

Personnellement je ne valide aucun d’eux. Je pense surtout qu’une grande partie des antifas ne votent pas. Il n’y a pas de crédo particulier, chacun fait ce qu’il veut. On ne peut pas parler au nom des antifas, ce n’est ni un collectif ni un groupe. Certains peuvent voter Macron, d’autres Fillon – même si ça me parait peu probable – d’autre voteront pour Mélenchon. Mais selon moi, le vote n’est pas compatible avec le mode de pensée des antifas. Le fait de voter légitimise le pouvoir en place donc à ce moment là, tu ne peux plus te plaindre derrière. Les antifas, eux, se battent contre tous les pouvoirs et contre toutes les formes d’oppression donc le fait de voter serait absurde.

Du fait de ne pas être un collectif, comment communiquez-vous? 

Ce sont des questions très complexes car les antifas, c’est un peu tout et rien en même temps. Il y a différents groupes qui se forment comme l’AFA – l’Action Antifasciste Paris Banlieue – ou comme le CAPAB – le Collectif Antifasciste Paris Banlieue (qui n’existe plus) – ce sont avant tout des rencontres et des affinités. Les groupes sont présents dans toute la France.

D’après leurs différentes luttes, les antifas semblent être tout simplement « humanistes ».  Qu’est-ce qui différencie un humaniste et un antifa? 

Tout dépend de la définition d’humaniste. Je pense que l’humaniste voit l’humain, ce n’est pas le cas de l’antifa. Selon moi, quelqu’un qui vote Front National, un flic ou un dirigeant d’une grosse société n’est pas humain. Je pense que la différence est là, c’est peut-être violent comme propos, mais c’est mon avis.

La politique : cible principale des antifas? 

Tout ce qu’on fait est politique, donc évidemment que c’est la principale cible. Lorsque tu achètes des choses sur Amazon c’est politique, déjeuner dans tel ou tel restaurant c’est politique, manger au MacDo c’est politique, faire ses courses au Monoprix ou au Super U, c’est politique. La politique est partout.

Pourquoi ne pas créer un parti ou un mouvement afin de centraliser les actions? 

Je ne vois pas pourquoi nous devrions en créer un. Ça ne sert à rien, nous n’en avons pas envie. Nous préférons faire nos actions de notre côté. Ce n’est pas le but des antifas. Chacun a son but personnel, il n’y a pas d’entité. Il faut penser à travers le prisme d’une seule personne.

À quelles manifestations as-tu participé et avec quels moyens d’action? 

J’ai participé à énormément de manifestations, j’ai fait toutes celles pour Rémi Fraisse, pour la loi travail, à Calais pour et avec les réfugiés. Je ne pourrai pas te dire lesquelles et surtout je n’en ai pas envie. Mes moyens d’actions sont proportionnels à la menace de ce pourquoi je manifeste. J’ai déjà usé de moyens pacifiste comme violent.

Propos recueillis par Ilham Mraizika

 

Crédit photo à la Une : Chip Somodevilla

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